Relativement peu connue en France [son livre
a quand même été retenu pour le prix
Femina 2005], Muriel Spark, d’origine écossaise,
est l’un des écrivains les plus admirés
outre-manche.
Les années [elle est née en
1918] n’ont altéré ni son humour, ni
sa férocité lorsqu’il s’agit d’épingler
les petits travers du genre humain. Bien au contraire !
L’histoire se situe en Suisse, dans l’une de
ces écoles privées pour gosses de riches.
Rowland Mahler et sa femme Nina y accueillent
une poignée de jeunes gens plutôt insignifiants,
auxquels ils dispensent avec paresse des cours de perfectionnement
et de " mondanités ". Parmi eux Chris,
jeune rouquin de 17 ans, se lance dans l’écriture
d’un roman historique d’inspiration libre sur
la reine d’Ecosse Mary, son époux et son amant,
assassinés tous les deux.
Rowland, dont l’ambition, elle aussi romanesque est contrariée
par l’angoisse de la page blanche, se sent vite mis
en danger par le talent supposé du jeune homme, pour
lequel il éprouve une vive jalousie. Tandis qu’à
l’arrière-plan les étudiants poursuivent
une vie oisive et superficielle, la relation entre les deux
hommes vire à l’obsession folle, tragique, chacun
jouant tour à tour le rôle du chat puis de
la souris avec une égale bassesse.
Un pur bijou de littérature
Muriel Spark a réussi là une mise
en abîme, un extraordinaire jeu de miroir sur l’écriture,
tournant en ridicule les écrivains au passage, et
poussant le clin d’œil jusqu’à faire
émerger le reflet de son propre roman. Construit
et écrit à la perfection, c’est drôle,
intelligent, subtilement acide. Malgré un épilogue
légèrement escamoté, "A bonne
école" est un pur bijou de littérature.
Extrait : "Rowland se souvenait de sa première
entrevue avec Chris le rouquin, accompagné pour
la circonstance de sa mère et d’un oncle. Apparemment,
pas de père. La famille semblait très à
l’aise financièrement et totalement acquise au
point de vue de Chris. Rowland l’avait pris. Jusqu’ici,
il n’avait d’ailleurs jamais refusé personne,
politique qui n’était pas sans donner à
l’institution la réputation d’une école
innovante et tolérante.
Mais revenons à Chris, au moment où celui-ci,
en compagnie de ses deux amis, est observé depuis
la fenêtre par Rowland : de tous les élèves,
c’était celui qui causait le plus d’inquiétude
à Rowland. Il écrivait bel et bien un
roman. Rowland aussi en écrivait un, et, pour rien
au monde, il n’aurait avoué à quel point
il trouvait celui de Chris bon. En regardant ses trois
élèves, il ressentit un petit
pincement au cœur, victime de cette jalousie
qui allait dominer sa vie de plus en plus durant les mois
à venir."
Article écrit par Isabelle Bauer [décembre 2005].
Autres articles :
"La Bouffe est chouette a Fatchakulla", de Ned Crabb, Gallimard Série Noire [réédition].
"La Sagesse d'une Femme de Radio", de Kriss, L'œil neuf/France Inter.
"Gone, baby, gone" de Denis Lehane, Rivages/Noir.
"Léo Malet ". Nestor Burma, "l'homme qui met le mystère K.O.".
"La mort dans l’âme" de Ian Rankin, Folio policier.
"Dans les bois éternels" de Fred Vargas, ed. V. Hamy.
"Le Dahlia Noir", de James Ellroy, Rivages/Noir.
"L’affaire du Dahlia noir / Complément d'enquête", de Steve Hodel, Seuil/Points policier.
